Votation du 9 février 2020 : un assassinat de l’efficacité
Le 9 février prochain, nous voterons sur une énième initiative de l’Asloca sur le logement. Une initiative excessive qui voudrait qu’au moins 10% des logements nouvellement construits en Suisse appartiennent à des maîtres d’ouvrage d’utilité publique. C’est un non-sens qui provoquerait une cascade de conséquences négatives.
1. Une fois introduit dans la Constitution fédérale, ce quota contraignant serait applicable partout en Suisse et en tout temps, sans tenir compte de la conjoncture économique et des besoins locaux. Alors que la situation du marché du logement varie avec le temps et d’une région à l’autre. Cette politique des quotas appliquée de manière uniforme en France voisine a abouti à une aberration totale. On y manque de logements sociaux dans la région parisienne et dans des grandes agglomérations alors que de nombreux HLM restent vides ailleurs.
2. L’initiative conduirait à un travail bureaucratique largement disproportionné. Il faudrait vérifier périodiquement que le quota de 10% est respecté. Et si ce n’était pas le cas, des mesures correctrices devraient être prises. Le processus d’octroi des permis de construire serait encore plus compliqué qu’aujourd’hui et la construction des logements dont la population a besoin s’en trouverait ralentie. Faut-il une initiative qui coûterait au moins 120 millions par an aux contribuables pour ça ?
3. Les 10% de logements prévus par l’initiative devraient être destinés aux « personnes économiquement ou socialement défavorisées ». Mais qui pour décider de l’attribution de ces logements et pour vérifier qu’ils reviennent bien à des personnes défavorisées ? Les bonnes intentions ne suffisent pas. En 2017, un quart seulement des occupants des logements mis à disposition par les coopératives d’habitation avaient un revenu qui les classe parmi les 20% les moins aisés de la population alors que c’est cette catégorie de la population qui aurait le plus besoin d’un logement à loyer modéré.
4. Le secteur immobilier constitue un placement essentiel pour nos caisses de pension. Or le quota de 10% aurait pour effet de réduire leur potentiel de placements dans l’immobilier d’environ 66 milliards de francs. L’initiative déstabiliserait le marché du logement et représenterait une menace supplémentaire pour nos rentes dont l’avenir n’est déjà pas si sûr.
5. Selon l’initiative, les rénovations énergétiques des immeubles ne pourraient être soutenues par les collectivités publiques que si le nombre total de logements à loyer modéré en Suisse reste inchangé. Cette contrainte supplémentaire aurait pour conséquence de décourager bon nombre de propriétaires d’entreprendre des travaux destinés à économiser l’énergie et à protéger l’environnement. Salut la planète !
6. Jamais, au cours des vingt dernières années, la Suisse n’a compté autant de logements vacants qu’aujourd’hui. Mais dans les cantons qui ont une politique du logement dirigiste, le taux de vacance n’est pas forcément plus élevé qu’ailleurs. Au contraire. A Genève par exemple, au 1er juin 2019, le taux de logements vacants était l’un des plus bas en Suisse (0.54%).
7. Le logement est un bien particulier. C’est pourquoi il existe, outre la réglementation sur l’aménagement du territoire, différents dispositifs cantonaux et communaux visant à réglementer le marché. Il n’est ni nécessaire ni opportun d’y ajouter un carcan fédéral. Un vrai fardeau. Cette initiative extrême, c’est l’assassinat de l’efficacité.
Pour toutes ces raisons et quelques autres, il importe de voter NON le 9 février prochain.
Olivier Feller
Directeur de la CVI
Edito paru dans la Lettre d’information de la CVI no 1 – janvier 2020