Vers un renforcement des moyens de défense contre les squatters ?
La question de l’occupation illicite d’immeubles par des squatters fait régulièrement la une des médias. Au cours des dernières années, par exemple, le canton de Vaud a connu plusieurs situations de maisons occupées illégalement, notamment dans la région de Nyon et à Lavaux. Les bâtiments concernés faisaient l’objet de demandes d’autorisations en vue d’être transformés ou étaient destinés à la démolition. Les squatters ont alors revendiqué leur droit à s’y établir, installant même des boîtes aux lettres pour attester de leur domicile, laissant les propriétaires au dépourvu.
Le phénomène du squat est incompatible avec la garantie de la propriété et tend à créer un sentiment d’incompréhension, voire de malaise, au sein de la population. Si vous laissez votre voiture inemployée sur votre parking privé pendant un mois, par exemple, est-ce que cela autorise quelqu’un à s’en servir sans votre accord ? Bien sûr que non. Il n’y a aucune raison qu’il en soit autrement pour le logement.
En vue de renforcer les droits des propriétaires, le Conseil fédéral a mis en consultation, à la fin de l’année dernière, un projet de révision du Code civil. Celui-ci fait suite à l’adoption par les Chambres fédérales d’une motion déposée par le soussigné en sa qualité de conseiller national en 2015.
En droit actuel, l’article 926 du code civil confère au propriétaire un droit immédiat de reprise. Il s’agit de la possibilité pour le propriétaire d’expulser les squatters, soit directement, soit par l’intermédiaire de la police, sans passer par une longue procédure judiciaire. Cette disposition exige toutefois que le propriétaire agisse « aussitôt ». Or, la jurisprudence du Tribunal fédéral n’a jamais défini de façon claire et constante ce qu’il faut entendre par cette notion, ce qui place le propriétaire dans une situation d’insécurité juridique.
Dans son projet, le Conseil fédéral propose de compléter l’article 926 du Code civil en y précisant que le propriétaire doit agir dès qu’il a eu connaissance de l’occupation illégale en ayant fait preuve de la diligence requise. En d’autres termes, le début du délai de réaction pour exercer le droit de reprise correspond au moment où le propriétaire a eu connaissance de l’occupation illicite ou aurait dû en avoir connaissance en ayant fait preuve de la diligence requise. En outre, le Conseil fédéral propose de spécifier que les autorités de police doivent assurer au propriétaire qui veut exercer le droit de reprise l’intervention requise par les circonstances en temps utile. Cette clarification s’avère d’autant plus opportune que les autorités de police du canton de Vaud, par exemple, ne semblent être disposées à évacuer un immeuble occupé que si une décision d’un tribunal les y invite.
Par ailleurs, le Conseil fédéral envisage de modifier le Code de procédure civile. Il préconise en particulier la création d’un nouvel instrument, l’ordonnance judiciaire, qui pourra être demandée au juge en cas d’occupation illicite d’un immeuble. La nouveauté essentielle réside dans le fait que le juge pourra ordonner la suppression de l’occupation illicite en s’adressant à un cercle indéterminé de personnes. Ainsi, les propriétaires n’auront plus à endurer des désagréments procéduraux liés au fait qu’il est quasiment impossible de déterminer précisément l’identité des squatters.
La CVI soutient ces propositions. Elles paraissent nécessaires si l’on veut éviter que le squatter finisse par avoir davantage de droits que le propriétaire…
Olivier Feller
Directeur de la CVI