Pour une modernisation du droit du bail
L’article 109 de la Constitution fédérale prévoit que la Confédération légifère afin de lutter contre les loyers abusifs. Or, dans les faits, l’essentiel de la réglementation actuelle en matière de bail à loyer découle de la jurisprudence du Tribunal fédéral. En d’autres termes, ce n’est pas le Parlement qui a légiféré, sur la base d’une pesée des intérêts politiques, mais c’est le Tribunal fédéral qui a imaginé toute une série de règles. Cette situation n’est guère conforme à une saine répartition des tâches entre les différents pouvoirs.
Sur le fond, les règles fixées par le Tribunal fédéral ne sont plus vraiment en phase avec la réalité d’aujourd’hui. Si personne ne conteste que le locataire doit être protégé contre les abus, le logement étant un bien particulier, le droit du bail doit aussi permettre aux propriétaires privés et aux propriétaires institutionnels, comme les caisses de pension, d’obtenir un rendement correct, en adéquation avec le risque financier encouru.
C’est dans cet esprit, soucieux de moderniser le droit du bail, que les conseillers nationaux Hans Egloff (UDC/ZH), Daniel Fässler (PDC/AI) et moi-même avons déposé lors de la session d’automne 2017 trois initiatives parlementaires au Conseil national. Celles-ci sont le résultat d’une réflexion menée conjointement, tout au long de l’été 2017, par le HEV Schweiz – la puissante organisation suisse alémanique de défense des propriétaires – et la Fédération romande immobilière.
Le premier texte concerne le rendement admissible des fonds propres investis par le propriétaire dans son immeuble. Compte tenu d’un arrêt que le Tribunal fédéral a rendu en 1986 et qui est encore appliqué aujourd’hui, le rendement des fonds propres est considéré comme admissible s’il ne dépasse pas de plus de 0.5% le taux hypothécaire de référence. Or, en 1986, le taux hypothécaire de référence était de 5.5%, alors qu’il s’élève à 1.5% actuellement. L’initiative parlementaire propose de prévoir dans la loi que le rendement des fonds propres est admissible s’il ne dépasse pas de plus de 2% le taux hypothécaire de référence.
Le deuxième texte demande qu’un loyer fixé dans un contrat de bail soit considéré comme admissible s’il est conforme aux loyers usuels du quartier ou de la localité, indépendamment du rendement que le loyer en question permet de procurer au propriétaire. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, cela n’est pas possible en droit actuel, le critère du rendement procuré par le loyer ayant toujours un poids prépondérant.
Le troisième texte vise à simplifier les conditions d’application du critère des loyers usuels du quartier ou de la localité. A l’avenir, par exemple, la partie qui invoque les loyers usuels – le propriétaire comme le locataire – devrait pouvoir s’appuyer sur trois objets comparables alors que le Tribunal fédéral exige, en l’état, cinq objets comparables. L’état et l’équipement d’un logement devraient par ailleurs pouvoir être mesurés selon trois catégories : simple, bien, très bien. Enfin, des statistiques officielles ou établies par des organisations professionnelles devraient être admises si elles sont suffisamment différenciées.
Ces trois initiatives provoqueront vraisemblablement des débats animés. Elles offrent l’occasion au Parlement de se réapproprier la réglementation en matière bail à loyer, aujourd’hui largement dictée par la jurisprudence du Tribunal fédéral.
Olivier Feller
Directeur de la CVI
Source : Lettre d’information CVI / mars 2018